jueves, 13 de junio de 2013

Chapitre 4 - Pour quoi les hommes se tuent entre eux...

Le livre, n’était pas un livre. Ce n’étaient que deux épaisseurs de vieux carton décoloré. Il n’y avait aucun feuillet à l’intérieur. Avec la seule main dont je pouvais encore me servir, je le retournai dans tous les sens, cherchant un signe, un indice, quelque chose. Mais il n’y avait rien. Je le lâchai sur mon lit, et restai regarder le plafond de ma chambre d’hôpital.
Je ne pouvais croire que cet ancêtre si aimable, après m’avoir sauvé la vie, me fasse cette farce. Tout en réfléchissant, je caressais mécaniquement le carton rugueux du bout des doigts. Je commençai à remarquer que la texture de la matière changeait légèrement. Elle paraissait plus douce, et plus chaleureuse. Je le pris de nouveau et l’observai attentivement. La couleur était plus vive, et des lettres dorées, que je n’avais pas vues auparavant, disaient :

« POURQUOI LES HOMMES SE TUENT »

Très lentement, mes fébriles doigts soulevèrent la couverture. Il n’y avait toujours pas de page mais, cependant, l’intérieur s’illumina progressivement, jusqu’à m’aveugler pratiquement. Soudain apparut, flottant juste devant moi, une insolite créature qui paraissait s’être échappée d’un conte de fées.
Elle n’était pas plus grande qu’un doigt, et ses somptueuses ailes de couleurs brassaient l’air avec élégance. Son minuscule petit corps était celui d’un jeune homme au teint bronzé, et à la chevelure brune et luisante.
« Bonjour Jack » gazouilla-t-il comme un petit oiseau. Il se maintenait à quelques centimètres de mon visage, dans un vol parfaitement stationnaire. Son regard clair et intense paraissait me parcourir de l’intérieur.
Sous l’effet de la surprise, je fus incapable d’articuler quoi que ce soit. Alors il se mit à voleter dans toute la chambre, faisant le curieux de ci de là.
Passées quelques minutes, suffisantes pour me rassurer, il revint à ma hauteur. Il me regardait avec un grand sourire sur les lèvres.
«  -Qui es-tu, lui demandai-je.
-Je m’appelle Quiti, répondit-il d’une voix de clarinette, et je suis ici pour répondre à la  question que tu te poses.
-Qu’est-ce que tu es, continuai-je, un sylphe, ou quelque chose du genre ?
-Je suis un Mucien, révéla l’étrange créature, et je viens d’une planète, qui s’appelle Mu.
-Je n’ai jamais entendu parler de cette planète.
-Ca ne m’étonne pas ; même avec le plus puissant de vos télescopes vous ne pourriez pas la détecter. La planète Mu se trouve dans le monde de l’imagination.
-Alors tu n’existes pas, dis-je à ce petit être qui, paradoxalement, se tenait devant moi.
-Ne te laisse pas prendre au piège du mot « imagination », m’avertit le tout petit Mucien, parce que mon monde peut être bien plus réel que le tien. »
Mon visage dut paraître étrange, car il ajouta :
« Tu verras plus tard. »
Et en se rapprochant encore davantage :
«  -Eh bien Jack, tu as posé une question au vieux Cheng, veux-tu en connaître la réponse ?
-Bien sûr que je le veux, Quiti.
-Très bien…Mais ne t’attends pas à ce que je réponde en te donnant une simple explication, comme vous avez l’habitude d’en donner ici sur Terre. S’il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, vous inventez aussitôt un concept mental pour combler cette lacune, comme un morceau d’étoffe. Mais ce concept ne sera jamais la réalité. La véritable connaissance découle de la compréhension offerte par l’expérience. Ni rien ni personne, pas même le moindre livre, ne peut te l’apporter. 
« Même si tu as du mal à le croire, Jack, vous vivez tous dans un océan de concepts, ou, en d’autres termes, dans un monde d’illusions. Mais ce n’est pas cela le plus triste ; le plus triste, c’est que vous êtes convaincus de tout savoir. »
Cette longue causerie m’avait assommé, et sans le vouloir je fis tomber le livre qui se referma sur le lit. L’être minuscule disparut instantanément.
Je récupérai avec une certaine nervosité le morceau de carton tout plié, et le rouvris. Tout se répéta alors : la couleur se revivifia, l’intérieur s’illumina, et le Mucien réapparut.
«  -Jack, essaye de manipuler le livre avec un peu plus de précaution, rouspéta ironiquement Quiti, un changement si soudain de dimension, n’est pas très agréable.
-Je suis désolé, m’excusai-je.
-Bon, Jack, continua le Mucien en se rapprochant de mon oreille, comme je te le disais, tu vas devoir chercher toi-même la réponse à ta question. Moi, je me contenterai de te raconter une histoire. Une histoire vraie qui s’est passée dans mon monde. Une histoire très semblable à celle que vous autres humains avez vécue, et continuez de vivre.
-Pardonne-moi Quiti, l’interrompis-je, mais tout à l’heure tu as dit que c’est l’expérience qui apporte la compréhension ; comment est-ce que je vais comprendre quelque chose à partir d’une simple histoire ?
-Le terme d’ « histoire » ne signifie pas la même chose sur votre planète et sur la mienne, expliqua le Mucien, attend un peu et tu le comprendras. »
Il se rapprocha encore un peu plus de mon oreille. Sa petite voix, à présent plus posée, m’enivrait petit à petit :

« Les arbres empêchent de voir la forêt, Jack. C’est pour cela que vous autres, pleins de problèmes, ne pouvez distinguer la véritable situation dans laquelle vous vous trouvez. Comment voir quelque chose d’évident mais que vous ne pouvez cependant pas voir ? Eh bien, en changeant de point de vue. Et c’est précisément là ce que je vais faire, en te racontant l’histoire des Muciens.»

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